Domaine d’intervention : santé
Les interprètes, une clé vers l’égalité des chances
Prise de position de la FMH, mars 2021
" Plus de la moitié du personnel de santé est régulièrement confronté à la barrière des langues. Pour surmonter cette difficulté, les services proposés par les interprètes professionnels, extérieurs à la famille des patients, jouent un rôle essentiel, tant pour garantir une anamnèse efficace et cohérente, communiquer le diagnostic et les recommandations thérapeutiques ou comportementales, que pour améliorer l’adhésion au traitement et l’accès aux soins de base. "
Vous trouverez la version française de ce film en cliquant ici.
Recours à l'interprétariat communautaire et avantages
Ayant à son actif plus de 50% de l'ensemble des heures d'intervention, l'interprétariat communautaire dans le domaine de la santé est le plus demandé. L'utilité et le nécessaire professionalisme des interventions d'interprètes sont largement reconnus dans ce domaine.
Le quotidien professionnel dans le système de santé est marqué par les rencontres. Comprendre les personnes en quête de conseils afin de choisir et de mettre conjointement en œuvre des mesures adaptées à leur situation représente une part importante du travail. Des enquêtes montrent que plus de la moitié du personnel de santé est souvent confrontée à des obstacles linguistiques. La collaboration avec des interprètes communautaires débouche sur un bénéfice concret :
- Plus grande efficacité
- Respect des droits juridiques
- Respect des principes éthiques
- Communication dans le domaine de la santé (JPG, 1.88 MB)
Le financement de l'interprétariat communautaire
Le financement des interprètes professionnel-le-s n'a pas été clarifié de manière définitive ni dans le domaine stationnaire, ni dans le domaine ambulatoire. La prise en charge des frais par les assurances sociales ne fait pas l'objet d'une réglementation uniforme.
Différents acteurs demandent une clarification et une solution.
- Prise de position de la FMH : Les interprètes, une clé vers l’égalité des chances (PDF, 610.5 KB)
- Avis CRS & INTERPRET (2020) : financement de l'interprétariat (PDF, 333.4 KB)
- Fiche d'information INTERPRET (2020) : Financement (PDF, 268.5 KB)
- Rechtsgutachten Kieser (2020): Kostenvergütung durch OKP (PDF, 329.9 KB)
- Fiche d'information OFSP (2019) (PDF, 148.4 KB)
- Recommendations (hopitaux) CDS (2019) (PDF, 481 KB)
- Recommendations (psychiatrie et réadaptation) CDS (2019) (PDF, 379.3 KB)
Assurance-maladie
L'importance et le financement de l'interprétariat communautaire ne font pas l'objet d'une réglementation dans la loi fédérale sur l'assurance-maladie. L'AOS prend à sa charge des prestations qui servent au diagnostic ou au traitement d'une maladie. En outre, les prestations doivent être efficaces, appropriées et économiques. Les partenaires tarifaires ne sont pas d'accord sur le montant des coûts de traduction à prendre en charge par l'AOS.
Assurance-accidents
Si les prestations de traduction et d’interprétariat sont indispensables pour examiner et traiter les suites d'un accident, ces coûts sont pris en charge par l'assurance-accidents. Les institutions de réhabilitation et de thérapie (par ex. les cliniques de réadaptation de la SUVA) font pour cette raison souvent appel à des interprètes professionnel-le-s.
Assurance-invalidité
Le financement des prestations d'interprétariat est également règlé pour les centres d’expertises pluridisciplinaires privés et les services médicaux régionaus (SMR). Selon la convention tarifaire entre les centre privés d'expertise médicale et l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS), les coûts effectifs d'interprétariat sont depuis lors remboursés séparément.
Par exemple :
Un jeune homme originaire d'Afghanistan est envoyé par son médecin de famille au service des urgences de l'hôpital cantonal d'Aarau un vendredi après-midi. Le médecin soupçonne une tuberculose ouverte, mais le jeune homme n'a compris ni le diagnostic, ni les conséquences diagnostiques et thérapeutiques éventuelles. Comment le médecin urgentiste peut-il expliquer au patient allophone le diagnostic, les examens complexes, ou le séjour de plusieurs jours dans une chambre d'isolement ? Grâce au service d'interprétariat téléphonique, l'urgentiste parvient dès le vendredi soir à informer brièvement le jeune Afghan des examens et traitements mis en place.
Une explication complète du diagnostic et de la thérapie complexes est possible sur place seulement le lundi avec la présence d'un interprète. Ces possibilités de communication n'étant pas à disposition du médecin de famille, une hospitalisation aux urgences coûteuse n'a pu être évitée.
Dr. med. Roland Fischer, médecin-assistant dans le cursus de médecin de famille
Patchwork de solutions
Dû au manque de clarté des conditions-cadres, les acteurs ont recours à différentes solutions :
- Les hôpitaux, cliniques universitaires et centres psychiatriques de grande taille travaillent en règle générale avec des interprètes communautaires professionnel-le-s. Le financement de leurs prestations est assuré par des contrats de prestations avec les cantons, par des budgets globaux ou des services d'institutions, ou bien par d'autres fonds.
Le réseau Swiss Health Network for Equity (health-equity-network.ch) prend clairement position en faveur de l'importance d'une compréhension transparente et s'engage pour la collaboration avec les interprètes communautaires professionnel-le-s. - Dans les cabinets médicaux et de psychothérapie privés, la collaboration avec les interprètes professionnel-le-s échoue par manque de financement - sauf si les médecins prennent en charge personnellement les coûts d'interprétariat.
- La recours aux interprètes communautaires dans les centres de consultation et de thérapie se montre également difficile. Les coûts doivent être financés par les institutions elles-mêmes. C'est par exemple le cas du Service ambulatoire pour victimes de la torture et de la guerre de la Croix-Rouge suisse.
Prise en charge des coûts pour les bénéficiaires de l'aide sociale
Les coûts d'interprétariat pour les consultations médicales sont en partie couverts par l'aide sociale. En pratique, les choses sont ici aussi complexes, la question du financement est de la compétence des bureaux d'aide sociale (voir rubrique Domaine social).
Prise en charge des coûts pour les requérant-e-s d'asile
l'OFSP exige dans le rapport "Soins médicaux pour les requérants d'asile dans les centres de la Confédération et les centres d'hébergement collectif cantonaux" que les interprètes communautaires professionnels garantissent la compréhension linguistique, soit par téléphone, soit sur place.
- Les coûts d'interprétariat qui se présentent au sein des structures des centres d'asile fédéraux sont pris en charge par le SEM. Cela inclut les coûts d'interprétariat dans le cadre de l'activité des partenaires - respectivement des médecins - collaborant avec les centres d'asile de la Confédération.
- Les coûts d'interprétariat qui sont liés aux structures des soins médicaux réguliers - donc en dehors des structures des centres d'asile fédéraux - ne sont en revanche pas pris en charge. Il incombe aux cantons d'aborder la garantie des soins et la question des coûts de l'interprétariat.
Un bon exemple dans le canton de Vaud
La pratique dans les cantons est ici aussi hétérogène. Le canton de Vaud occupe une place de proue : les soins médicaux des migrant-e-s au sein de l'EVAM sont garantis par le réseau de santé RESAMI. Le personnel médical travaille avec des interprètes communautaires professionnels, les coûts sont financés par le canton. Le système de soins de santé du canton de Vaud est décrit par le UNHCR (lien).
Projets au sein des Programmes cantonaux d'intégration (PIC)
La promotion de l'interprétariat communautaire est un élément obligatoire des Programmes cantonaux d'intégration. Dans ce cadre, plusieurs cantons ont lancé des projets permettant le recours et le financement des interprètes communautaires, par exemple dans des cabinets médicaux privés ou des centres de puériculture. Ces projets pilotes peuvent être soutenus par les PIC dans le cadre d'une incitation financière pour quatre ans au maximum.
- Le canton des Grisons finance les interprètes communautaires dans les cabinets médicaux privés par un système de bons :
Integration Graubünden : Interprétariat communautaire (site en allemand, italien et romanche) - Le canton de Schaffhouse met à disposition des moyens financiers pour l'interprétariat communautaire et la médiation interculturelle dans le domaine de la santé. Les médecins et thérapeutes indépendants peuvent déposer une demande :
Integres : Kostengutsprache Gesundheitswesen (site en allemand)
INTERPRET n'a pas connaissance d'autres projets pour les médecins (printemps 2019). D'autres informations sur des projets similaires (en cours ou terminés) se trouvent dans la rubrique Conditions-cadres.
La nécessité d'agir est reconnue
De nombreux acteurs du domaine de la santé sont conscients de la situation déplorable et ont pris position à ce sujet. Ce sont entre autres :
- FMH, l'organisation professionnelle du corps médical suisse
- Office fédéral de la santé publique (OFSP)
- Conférence suisse des directrices et directeurs cantonaux de la santé (CDS)
- Commission nationale d'éthique pour la la médecine humaine (CNE)
- H+ (Les hôpitaux de Suisse) et Swiss Hospitals4Equity
Des interventions nationales et cantonales ont déjà été plusieurs fois déposées, entre autres par CN Sibel Arslan (19.4279), CN Niklaus-Samuel Gugger (19.4357), CN Marianne Streiff-Feller (17.3077), CN Luc Recordon (08.3642), CN Anne-Catherine Menétrey-Savary (06.428), ainsi que par le Conseil d'Etat du canton de Zurich (Postulat 301/2016 und RRB Nr. 1237).
On attend toujours une mise en œuvre concrète et conséquente de ces demandes. La Confédération, les cantons et les fournisseurs de prestations se renvoient les responsabilités.